mardi 10 janvier 2017

« AUJOURD'HUI, FLORE A TEINT SON COSTUME BLEU EN NOIR » / Expo photo de Claudine Sauvé

GALERIE CARTE BLANCHE, Montréal, 10 janvier 2017.

« Aujourd'hui, Flore a teint son costume bleu en noir », expo photo de Claudine Sauvé, présentée du 6 décembre 2016 au 15 janvier 2017.

Émouvante rencontre entre l'image et l'écriture, la photographie et les mots, entre la mémoire et l'Histoire. Cette étonnante tranche de vie, de la fin du XIXe siècle et du XXe siècle, repose sur l'histoire familiale de Claudine Sauvé, principalement sur les figures de Clarenda Tremblay (1874-1975), son arrière-grand-tante, et de Flore Tremblay (1887-1975), son arrière-grand-mère maternelle, récit qui prend racines dans la maison familiale de Saint-Édouard-de-Napierville. 

Associant des photographies d'archives et des photos de la nature et d'objets, parfois transformées par le grossissement et le traitement de l'image, inspirée par le travail artistique de Sophie Calle, Claudine Sauvé met en scène cet héritage familial avec une grande touche de poésie, de sensibilité et de beauté. Imprimées sur papier, non encadrées, de formats divers, les trente-six photos présentées dans les deux salles de la Galerie Carte Blanche exigent de l'observateur qu'il lise la brève présentation de l'auteure, qu'il s'attarde et, surtout, qu'il plonge dans l'immense « toile » composée d'extraits du journal tenu pendant près de trois-quarts de siècle par Clarenda, pièce centrale de l'exposition.

Clarenda, l'aînée, atteinte de poliomyélite à l'adolescence, devra s'aliter complètement au début de la vingtaine, et ce jusqu'à la fin de ses jours, en 1975, soignée fidèlement par sa soeur Flore, qui mourut le même jour, à quelques heures d'intervalle. Courtisée pendant cinq ans par Henri Patenaude (1887-1920), l'arrière-grand-père de Claudine Sauvé, Flore épousera finalement ce dernier en 1919, à l'âge de trente-deux ans. Toutefois, six mois plus tard, Henri mourra à l'hôpital des suites d'un étouffement mal traité (après avoir avalé un petit os de poulet dans une soupe préparée par Flore), six mois avant la naissance de son fils, Paul-Henri, le grand-père de Claudine Sauvé. Pendant toute cette longue période, Clarenda tiendra un journal personnel où elle consignera, au jour le jour, tant les événements de la petite histoire intime, celle de la famille, des amis, des visiteurs, etc., que celle, sanglante, de la Grande Histoire, en particulier de la Première et de la Seconde guerre mondiale.

Ce matériau historique, rare et précieux, tant par son côté humain et social que par sa densité et sa longévité, constitue un bien public que Claudine Sauvé entend bien mettre en valeur, sous différentes formes et en réalisant d'autres expositions consacrées, dans l'immédiat, aux personnages de Cécile (sa grand-mère maternelle, l'épouse de Paul-Henri) et de Clarenda.

« Ce récit photographique se veut une transposition poétique et intuitive de cet héritage chargé d’amour, de culpabilité, de solitude, de dévouement, de peine, d’espoir et de lumière. »

Claudine Sauvé, photographe, est aussi directrice photo pour des films (Stealing Alice de Marc Séguin, 1:54 de Yan England, entre autres), des séries télé (19-2, Minuit le soir II, entre autres), des documentaires, des courts-métrages, des vidéoclips, des commerciaux, etc.

D'ici le 15 janvier, je vous invite à courir voir cette exposition, en attendant une suite à la Maison de la culture Mercier, à Montréal, du 25 février au 9 avril 2017 : Mobilisations 2.0.

9,5/10

Mots clés : Claudine Sauvé, "Histoire du Québec", Photographie, "Histoire du XXe siècle", Flore Tremblay, Clarenda Tremblay, Henri Patenaude, Paul-Henri Patenaude, Marc Séguin, Yan England, "19-2", "1:54", Sophie Calle, Patrimoine