samedi 30 décembre 2017

LES DÉSORDRES AMOUREUX / Marie Demers

Les Désordres amoureux, Montréal, Hurtubise, 2017, 253 p.

« La grande brûlée des sentiments » sévit à nouveau dans ce deuxième « roman » (lire mon blogue du 24 juin 2017, à propos de In Between). L'auteure-narratrice, « Marianne le météorite d'émotions ? » (p. 127) (qui s'appelait Ariane dans le premier roman...), poursuit sa quête amoureuse, au Québec et en Colombie, sa re-conquête d'elle-même.

Autant Ariane apparaissait révoltée contre ses proches, à la suite du décès prématuré de son père, autant Marianne est ici entièrement habitée, hantée par l'écriture et par ses amours impossibles.

C'est l'écriture qui la sauve, qui lui permet de sur-vivre, qui donne à son autofiction une force que les événements racontés, banals en soi, n'auraient pas sinon.

« Parce que l'extase de l'écriture. [...] La découverte d'une solitude tellement habitée. » (p. 187)

Les dialogues, l'utilisation fréquente d'expressions anglaises et espagnoles, un humour noir, un cynisme sans failles, face aux autres et envers elle-même, conjugués à une déconstruction du temps et de l'espace, tout cela concourt à donner un ton unique aux mésaventures de Marianne, serveuse et amoureuse éconduite, à la recherche d'un bonheur utopique, qui n'en dénonce pas moins, mine de rien, le sexisme et le machisme ambiants.

« [...] J'avais peur. Le bonheur comme danger supplémentaire. Je le perdrais encore. Avant de le retrouver.

Le trouver et le perdre. À l'infini. » (p. 250)

Si l'autofiction littéraire constitue un genre en voie de saturer les rayonnages, tant au Québec que dans la francophonie, n'hésitez pas pourtant à plonger dans les deux premiers « romans » de Marie Demers, pour le plaisir de découvrir une écriture jeune (l'auteure est née en 1986), féroce, révoltée, imprégnée d'émotion et de réflexion, sans compromis, et pour le plaisir de découvrir une véritable écrivaine.

« [...] j'autofictionne seulement. Je m'écris. [...] C'est un « moi » rêvé, réinventé. Parfois plus nuancé, parfois extravagant et fou. » (p. 186)

« [...] Ce pouvoir de fabriquer de l'universel à base d'intime. [...] » (p. 114)

P.S. À la page 190, l'auteure attribue à tort à Guy de Maupassant la paternité d'On ne badine pas avec l'amour d'Alfred de Musset. Étonnant pour une diplômée de l'UQÀM en études littéraires et pour un éditeur qui dormait sans doute au gaz...

P.S. 2 La photo de Marie Demers a été prise par Hugo-Sébastien Aubert, La Presse.

9/10 Marie Demers, Autofiction, "Roman québécois", "In Between"