vendredi 23 février 2018

UNE MÈRE / Stéphane Audeguy

Une mère, élégie, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Fiction & Cie », 2017, 149 p.

Élégie : « Poème lyrique exprimant une plainte douloureuse, des sentiments mélancoliques. » (Le Petit Robert, 1993)

N'aie crainte, ami lecteur. Il s'agit davantage de tristesse que d'une plainte ou de mélancolie. Stéphane Audeguy, l'une des plus belles plumes contemporaines françaises (voir le blogue du 5 avril 2017), compose cette élégie à la mémoire de sa mère, décédée en 2016, à l'âge de 78 ans.

« Je sais bien que la plupart des gens pleurent à la mort de leur mère. Moi, j'écris des livres. Celui-ci a été commencé le 3 juillet 2016 ; je l'ai terminé le 31 du même mois. » (p. 14)

Le ton est donné, amplifié par le titre du livre : Une mère, et non, comme on aurait pu s'y attendre,
Ma mère.

Divisé en courts chapitres : L'anecdote la plus triste ; Sobczak ; Audeguy ; Julienne ; Sabine,  cette « autofiction » entremêle souvenirs, anecdotes, réflexions historiques, féministes, politiques, sociologiques et philosophiques, dans une langue belle, quelque peu recherchée, qui crée une certaine distance critique, bienvenue par rapport à l'aspect émotionnel propre à ce genre littéraire.

Sabine Sobczak, franco-polonaise, née en 1937 à Tours, entre Cher et Loire, épousa un monsieur Audeguy, dont elle se sépara après avoir eu trois fils, dont Stéphane, le cadet, en 1964. Remarquons que le prénom du père restera inconnu, absent... Elle épousera ensuite Olivier Julienne, à l'âge de quarante ans.

On n'est jamais rassasié de ce type d'ouvrages, fort à la mode en ce moment : Ma mère, cette inconnue de Philippe Labro, Le Rêve de ma mère d'Anny Duperey, pour n'en citer que deux, publiés en 2017. L'ère du Pater semble bien révolue...

« [...] mais encore une fois, je me méfie des reconstructions a posteriori qui font le charme frelaté du genre biographique, et de toute impression fausse qui ferait d'une vie un bel ensemble. Je m'attache ici à une tâche précise : que peut-on savoir d'une femme, quand elle se trouve être votre mère ? » (p. 74-75)

« Une vie de père en patron, de patron en mari, de mari en patron et presque toujours dans ce périmètre fantastiquement restreint que j'ai déjà évoqué, entre Cher et Loire. » (p. 84)

« Le coeur de la littérature n'est pas stylistique. C'est une affaire d'intensités, c'est une affaire de pulsion et de pulsation, c'est une affaire vitale, c'est une affaire politique et sociale. » (p. 73)


9/10 "Une mère", Stéphane Audeguy, Élégie, "Biographie française"