dimanche 27 mai 2018

KINGS OF WAR / Pièces de William Shakespeare, dans une mise en scène d'Ivo van Hove







Kings of War, pièces de William Shakespeare : Henri V, Henri VI et Richard III, dans une mise en scène d'Ivo van Hove. Spectacle créé en 2015 par le Toneelgroep Amsterdam, présenté au Festival TransAmériques (FTA), du 24 au 27 mai 2018, au Théâtre Denise-Pelletier, à Montréal. En néerlandais, avec surtitres en français et en anglais.

D'une durée de quatre heures et demie, entracte inclus, ce spectacle éblouissant propose une réflexion politique et un regard impitoyable sur la gouvernance de trois rois et sur la destinée de leur royaume, trois souverains issus de la même dynastie que la reine Elizabeth II, royale souveraine du Canada et du Commonwealth.

Dans un décor vintage (fauteuils en cuir, téléphones à cadran, lit, bureau, table de cuisine, télé en noir et blanc, etc.) qui rappelle les années cinquante ou soixante,  décor manipulé à vue par les comédiens et quelques techniciens, se déploient la quinzaine de comédiens et comédiennes, accompagnés par quatre musiciens et un chanteur.

Spectacle visuel autant que physique, symbolisé par la couronne royale, c'est particulièrement dans les coulisses du pouvoir que réside l'aspect spectaculaire de ce spectacle. Grâce à une caméra portée par un caméraman, de nombreuses scènes sont jouées à l'arrière-scène, souvent en gros plans, ce qui permet au spectateur de ne rien perdre des expressions et du jeu des comédiens. Ce chassé-croisé constant entre la scène et l'arrière-scène donne lieu à de remarquables défilés de cour et révèle également la turpitude humaine, dans un parcours labyrinthique symbolisant tant les méandres du pouvoir que de l'âme humaine.

Cette noirceur de l'âme est rendue avec force dans Richard III, interprété de façon remarquable par un comédien fabuleux, colosse de près de deux mètres, avec quelques taches de vin sur la joue gauche, dont la démarche brusque et saccadée, dans un costume étriqué, trop étroit, rend bien le personnage du roi boiteux, une sorte de Robert Gravel dont le jeu dans Vie et Mort du roi boiteux de Jean-Pierre Ronfard continue de me hanter. Au fur et à mesure de la progression de la pièce, Richard III gagne en amplitude, revêt un costume noir à la coupe parfaite, gagne en immoralité et en violence, image démultipliée (une scène avec un miroir dans laquelle on voit le comédien se regardant, image projetée à son tour par la caméra, derrière le miroir), triple image, abyssale, dans laquelle Richard III rappelle aussi bien Donald Trump que Francis Underwood, président fictif des États-Unis dans House of Cards.

« Les grands thèmes actuels, il faut les voir sur nos scènes en regardant derrière le miroir, et non en contemplant le miroir. » Ivo van Hove, metteur en scène flamand, cité dans la préface de Ivo van Hove, la fureur de créer, Solitaires intempestifs (Chloé Gagné Dion, « Derrière les miroirs où se mirent les rois », Le Devoir, 19 mai 2018, p. 4).

9/10 Ivo van Hove, "Kings of War", "Toneelgroep Amsterdam", "Festival TransAmériques", William Shakespeare, "Henri V", "Henri VI", "Richard III", Robert Gravel

 
 

 

Photos de Jan Verweyveld