lundi 11 juin 2018

COULEURS DE L'INCENDIE / Pierre Lemaitre

Couleurs de l'incendie, Paris, Albin Michel, 2018, 535 p.

Suite du roman populaire Au revoir là-haut (prix Goncourt 2013), ce dernier opus n'offre pas le même intérêt ni le même plaisir. Si le thème de la vengeance est à nouveau bien exploité, les situations dans lesquelles les principaux personnages se retrouvent s'avèrent peu crédibles, pour ne pas dire tirées par les cheveux... Si l'auteur possède toujours une écriture fluide, endiablée, le don des retournements inattendus, le roman sombre malgré tout dans le rocambolesque.

Situé dans l'entre-deux guerres, de 1927 à 1936, avec un épilogue en 1951 sur le sort des principaux protagonistes, Couleurs de l'incendie met en scène Madeleine Péricourt, la fille du banquier Marcel Péricourt et soeur d'Édouard, divorcée du lieutenant Aulnay-Pradelle, dont elle a eu un fils, Paul. Madeleine devient ici une sorte de double du comte de Monte-Cristo qui, après une cruelle trahison, est dépouillé, mais se venge de belle façon.

D'ailleurs, dans une « reconnaissance de dette », Pierre Lemaitre rend hommage à Alexandre Dumas, père :

« Le titre de cet hommage à mon maître Dumas est extrait d'un vers d'Aragon (« Les lilas et les roses », Le Crève-coeur, 1941) et s'inspire librement d'un certain nombre de faits réels. » (p. 533)

Ce vers de Louis Aragon est le dernier de ce magnifique poème écrit après la signature de l'armistice entre la France et l'Allemagne, par le général Pétain et Hitler : Couleur [sic] de l'incendie au loin roses d'Anjou.

À la page 380, on peut lire cet extrait :

« Le gouvernement observait avec inquiétude les couleurs de cet incendie qui gagnait sans cesse du terrain. », à propos d'une grève générale de l'impôt. Les faits réels d'entre les deux guerres (évasion fiscale, aéronautique, politique, corruption, journalisme), dont parle l'auteur, constituent, pour une bonne part, l'intérêt de ce roman non dénué de saveurs ni de couleurs...

Pierre Lemaitre possède le sens du récit bien mené, qui maintient son lecteur en haleine.  Mais, cette fois-ci, il pousse le bouchon un peu trop loin... À lire sur une plage, sans doute. Si c'est le cas, je vous recommande plutôt ses polars, absolument terrifiants : Travail soigné, 2006, Prix Cognac 2006 ; Robe de mariée, 2009, Prix du polar francophone 2009 ; Cadres noirs, 2010, Prix du polar européen 2010 ; Alex, 2011, Prix des lecteurs du Livre de poche 2012 ; Sacrifices, 2012, CWA Dagger International 2015, ainsi qu'Au revoir là-haut, le livre et le film.

7/10 Pierre Lemaitre, "Roman populaire", "Alexandre Dumas, père", "Le Comte de Monte-Cristo", "Au revoir là-haut", Louis Aragon, "Les lilas et les roses", "Couleurs de l'incendie"