lundi 11 février 2019

DÉSOBÉISSANCE / Film réalisé par Sebastián Lelio

THÉÂTRE OUTREMONT, Montréal, 11 février 2019

Désobéissance (Disobedience), Irlande, Grande-Bretagne, États-Unis, 2017, 114 minutes. R. : Sebastián Lelio ; Sc. : Sebastián Lelio, Rebecca Lenkiewicz, d'après le roman éponyme de Naomi Alderman, publié en anglais en 2007 et traduit en français en 2008, aux Éditions L'Olivier, sous le titre La Désobéissance (Prix République du Glamour en 2009).

D'origine chilienne, Sebastián Lelio remportait en 2018 l'Oscar du meilleur film étranger pour Une femme fantastique (Una mujer fantástica). Si Désobéissance ne risque pas de remporter le même honneur en 2019, n'ayant pas été sélectionné parmi les cinq films en lice, la force de son sujet, alliée au jeu complexe et touchant des trois principaux interprètes, aurait pu lui valoir de participer à cette compétition.

Ronit Krushka (Rachel Weisz), fille unique du Rav de la communauté juive orthodoxe de Londres, artiste photographe qui vit et travaille à New York, revient dans cette communauté à la suite du décès subit de son père. Elle y retrouvera deux amis d'enfance, le rabbin Dovid Kuperman (Alessandro Nivola), fils spirituel du défunt, appelé à lui succéder à la tête de la communauté, et, surtout, Esti (remarquable Rachel McAdams), l'épouse de Dovid, son grand amour lesbien dont la découverte l'obligera à quitter Londres pour New York, afin d'y vivre dégagée de toute religion et de tout interdit.

Les retrouvailles des deux femmes, de la révoltée et de la soumise, provoqueront des bouleversements, non seulement dans la communauté religieuse mais au sein même du couple formé par Dovid et Esti. Le grand mérite du réalisateur est d'avoir su porter un regard compatissant, plein de tendresse pour ses personnages, dénué de tout préjugé à leur égard, même si leurs comportements paraissent aux antipodes des valeurs actuelles de liberté et d'individualité. Le retour de flamme (brûlante et troublante) entre les deux femmes donnera lieu à une très belle scène d'amour, érotique, sensuelle et passionnée.

Plus qu'un film sur l'amour entre deux femmes, ce très beau film, de facture classique et linéaire, porte davantage sur le rébellion et la soif de liberté, qui transformeront radicalement Esti et Dovid.

«  En découvrant cette histoire d'amour interdite dans un contexte oppressif où des idées figées sur l'ordre des choses et la place des femmes sont toujours très fortes, je me suis senti dans un univers familier. J'avais déjà exploré de telles tensions, parlé de la liberté individuelle et de ce que la société attend de vous. Les trois personnages de mon film sont amenés à désobéir pour avancer, pour s'en sortir : ils sont prêts à payer le prix pour être ce qu'ils sont. J'ai beaucoup de respect pour eux. La désobéissance devrait être un des droits de l'Homme. À un certain point, quelqu'un doit toujours désobéir pour que les choses avancent. Sortir dans la rue et montrer ses seins, comme le font les femmes au Chili aujourd'hui ! La désobéissance est un pouvoir important : sans elle, on vivrait toujours dans le passé. »

Frédéric Strauss, « Sebastián Lelio : « La désobéissance devrait être un des droits de l'Homme » », Télérama, 14 juin 2018.

 











 9/10 Désobéissance, Disobedience, Sebastián Lelio, Judaïsme, "Amour lesbien", Naomi Alderman