vendredi 1 mai 2020

FEMME À LA MOBYLETTE / Jean-Luc Seigle


Femme à la mobylette, suivi de À la recherche du sixième continent, Paris, Flammarion, 2017, 240 p.

Femme à la mobylette, 198 p.

 « À la croisée du drame social et de la fable romantique, Jean-Luc Seigle tisse le puissant portrait d'une femme exclue, à bout de forces, sommée de résister coûte que coûte à la violence du monde d'aujourd'hui. Se cognant aux portes d'une société ultra compétitive, elle va trouver en l'amour l'ultime recours d'une éphémère renaissance. » ( Estelle Lenartowicz, « Nos cinq coups de cœur de la rentrée littéraire », L’Express, 19 août 2017)

« Reine, héroïne étincelante d'une impitoyable tragédie moderne, celle de la France des invisibles […] » (Estelle Lenartowicz) vient d’une longue lignée de femmes. Mère de trois jeunes enfants, quittée par son mari, sans emploi, à bout de ressources, elle est au bord du gouffre. La découverte d’une mobylette bleue, dans la décharge de son jardin, va lui permettre de décrocher un emploi comme thanatopractrice (embaumeuse de cadavres) et de découvrir l’amour dans les bras d’un routier hollandais. Mais le retour du réel…

Divisé en cinq parties : la Nuit impossible ; les Mains inutiles ; le Premier Miracle ; le Second Miracle ; le Retour du réel, ce roman haletant, à l’écriture qui oscille entre poésie et réalisme, rappelant celle de Colette, conduit le lecteur sur des chemins cabossés, certes, mais aussi dans des haltes qui lui permettent de reprendre son souffle, à l’image de l’héroïne. Un nouveau récit dans lequel, une fois de plus, l’auteur s’imprègne de l’univers féminin pour créer un personnage plus réel qu’imaginaire, symbole des déshérités, des laissés pour compte, à qui la vie ne fait pas de cadeau.


À la recherche du sixième continent, de Lamartine à Ellis Island, relation de voyage, p. 199-240.

Dans ce récit autobiographique d’un voyage à New York, en 1995, en compagnie de sa conjointe et d’un couple d’amis, l’auteur développe la notion de « roman populaire », dont Lamartine fut l’un des précurseurs, avec Geneviève ou l’histoire d’une servante et le Tailleur de pierre de Saint-Point. En explorant ce « continent populaire », ce « sixième continent à découvrir », il aborde la découverte et la fondation de l’Amérique par ces millions de migrants et de migrantes qui, par le sacrifice de leur vie, le plus souvent, ont bâti un monde qu’ils voulaient meilleur.

« Heureusement qu’elle connaît les noms de tous les oiseaux et leurs cris. […] L’étourneau jase, la mésange zinzinule, l’alouette grisolle, la caille carcaille, la bécasse croule, la huppe pupule, la buse piaule, la tourterelle gémit, le canard cancane, la chouette chuinte, le hibou bouboule, le serin ramage, la cigogne craquette, la colombe roucoule, le jars jargonne, le corbeau croasse, la corneille corbine. Il n’y a que le coq de basse-cour qui chante ! » (p. 35)

« Tout finit dans l’absence et le silence absolu du monde. » (p. 38)

« Il faut faire des choses impossibles et des choses impardonnables sinon on ne fait rien dans la vie. » (p. 171)

« Toutes ces femmes n’ont fait que tendre vers un seul point, toujours le même, la joie d’avoir accompli un rêve. » (p. 194)


« C’est toujours impressionnant de remarquer – du moins dans mon cas – le peu de chose que l’on retient des livres lus et notre incapacité à reconnaître, à repérer, tout ce que ces mêmes livres ont déposé en nous comme sédiments. C’est à la fois un mystère et un miracle. Pourvu que ces livres, une fois que je serai mort, remontent à la surface et viennent de l’intérieur tatouer ma peau de parchemin […]. » (p. 206-207)

« Je me souviens d’une tombe dans le cimetière de Bages dans l’Aude sur laquelle était écrit : « Toi qui passes rappelle-toi nous avons été ce que tu es et tu seras ce que nous sommes. » Une phrase sans virgule et sans point. » (p. 227)

« « Ce monde nouveau, c’est la sensibilité et la raison des masses ! La géographie de l’univers moral ne sera complète que quand ce continent populaire sera découvert, conquis et peuplé d’idées par les navigateurs de la pensée. On l’entrevoit déjà ; il ne reste qu’à l’aborder. »

Ce « continent populaire » était donc le sixième continent à découvrir. Mais il semblerait que personne encore ne l’ait vraiment trouvé. L’abordage n’a pas eu lieu comme Lamartine devait l’imaginer pour le siècle suivant. » (p. 237)

9/10 Jean-Luc Seigle, ʺRoman populaireʺ, Alphonse de Lamartine, ʺNew Yorkʺ, ʺEllis Islandʺ, ʺRécit de voyageʺ, ʺÉtats-Unisʺ, ʺDrame socialʺ, ʺFable romantiqueʺ