lundi 19 février 2018

LUCKY / Film réalisé par John Carroll Lynch

THÉÂTRE OUTREMONT, Montréal, le 19 février 2018

Lucky, États-Unis, 2016, 89 minutes. R. : John Carroll Lynch ; Sc. : Logan Sparks, Drago Sumonja.

Chanceux que nous sommes d'être témoin du dernier rôle de Harry Dean Stanton, décédé à 91 ans en septembre 2017, ce fabuleux interprète de Paris, Texas de Wim Wenders.

« Lucky est un vieux cow-boy solitaire. Il fume, fait des mots croisés et déambule dans une petite ville perdue au milieu du désert [de l'Arizona]. Il passe ses journées à refaire le monde avec les habitants du coin. Il se rebelle contre tout et surtout contre le temps qui passe. Ses 90 ans passés l'entraînent dans une véritable quête spirituelle et poétique. » (Allociné)

Métaphore lumineuse du personnage principal, le président Roosevelt, une vieille tortue terrestre appartenant à Howard, interprété par un David Lynch savoureux, débute et clôt le film, symbole de liberté et de rébellion. Lucky, tout en s'érigeant contre les signes du vieillissement (séance matinale d'exercices physiques, nombreuses cigarettes et Bloody Mary, déplacements à pied) n'en est pas moins conscient de sa mort imminente. « Je suis terrorisé ! », avouera-t-il, dans un rare moment de confidence.

Pour occuper ses journées, il fait des mots croisés, écoute des concours de chant à la télé et, surtout, cloue le bec, par ses réflexions désabusées et néanmoins percutantes, à ses concitoyens et amis, que ce soit au resto du coin ou au bar. Il nouera une relation particulière avec une famille de Mexicains, lors d'une fiesta où il chantera en espagnol, accompagné par un trio de mariachis.

Jouant constamment sur le fil du rasoir entre le kitsch et l'émotion, le réalisateur parvient presque à nous faire croire que nous regardons un documentaire sur Harry Dean Stanton, alors qu'il s'agit d'un scénario bien ficelé, les discussions « hautement spirituelles » entre la bande d'amis au bar étant là pour nous le rappeler.

Belle leçon de lucidité, de courage et d'humour, ce film témoigne à sa façon de la force de la vie, du refus de la mort et de la violence (poignant dialogue sur la guerre aux Philippines) et se termine sur le magnifique sourire de Harry Dean Stanton et un dernier message : UNGATZ  (NOTHING, RIEN) !

Chapeau, cowboy !

8,5/10 Lucky, John Carroll Lynch, Harry Dean Stanton, "Drame américain"