
Juste la fin du monde, Québec, France, 2016, 97 minutes. R., Sc. et Conception des costumes : Xavier Dolan. Film à la mémoire de François Barbeau. Grand Prix du Festival de Cannes 2016.
Chronique d'une mort annoncée
Quelque part, il y a quelque temps déjà
Adapté de la pièce éponyme (1990) de Jean-Luc Lagarce, dramaturge français décédé en 1995 à l'âge de 38 ans, ce sixième long métrage du jeune prodige québécois de la réalisation vomit les réactions tièdes... Tant chez les critiques professionnels que chez les amateurs, les avis sont tranchés. Entre « une saisissante coupe in vivo de l'égarement de l'amour » (Le Monde) et Dolan qui « joue à ne rien dire dans une cacophonie assourdissante » (Libération) : juste la fin d'un monde, celui de Louis, interprété par un Gaspard Ulliel christique, quasi muet, jeune dramaturge qui revoit sa famille, après une absence de douze ans, pour lui annoncer qu'il va bientôt mourir.
Dès les premières retrouvailles, une scène bouleversante, qui mérite de figurer dans les anthologies du cinéma, celle dans laquelle Catherine, belle-soeur inconnue (formidable et nuancée Marion Cotillard), et Louis font connaissance et où tout le non-dit, la souffrance et la douleur également partagées passent uniquement par le jeu des regards, les visages étant filmés au plus près (par André Turpin), ne permettant aucune tricherie, aucun jeu.
Contrairement aux autres personnages, qui s'acharnent à creuser un fossé infranchissable (« des mots, des mots, des mots, toujours de longs détours »), Louis s'enfonce dans un tunnel dont il ne sortira que pour voir la lumière... « Trois mots à vous dire » : je vais mourir / je vous aime, qui ne seront jamais énoncés, par refus, par jalousie, par incompréhension de la mère, du frère et de la soeur, par peur. Le plus loin où Louis pourra se rendre, c'est dans ce début de confession que son frère refusera d'entendre : « je suis malade, Antoine ».
S'il y avait une morale à tirer de ce film, c'est que la vie est une suite d'occasions ratées...
Dommage que l'omniprésence de la musique provoque de nombreux hiatus dans la réception de cette charge émotive et explosive et que la finale sombre dans une mièvrerie symbolique lourdement appuyée. Un conflit de générations, peut-être...
8,5/10
Mots clés : Jean-Luc Lagarce, "Juste la fin du monde", Xavier Dolan