samedi 20 mars 2021

TÉNÈBRE / PAUL Kawczak


 

Ténèbre, Saguenay, La Peuplade, 2020, 309 p.

Lauréat du Prix des lecteurs de L’Express/BFM TV, du Prix littéraire de Trouville et du Prix « Roman » du Salon du livre du Saguenay-Lac Saint-Jean ; finaliste du Prix Première de la RTBF (Belgique), du Prix Régine-Deforges et du Prix littéraire des collégiens.

Ovni littéraire, ce roman québécois, « onirique et charnel, […] singulier et extraordinaire récit d’aventures, de découpes et d’amours fous au cœur des ténèbres ». (Frantz Hoëz, « Voyage au bout de l’enfer », L’Obs, no 2895, 2020-04-30, p. 63)

Ténèbre, au singulier, pour se distinguer d’Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad, longue nouvelle publiée en 1899, ayant aussi inspiré Apocalypse Now de Francis Ford Coppala ? De nombreux liens existent : remontée du cours d’un fleuve, au Congo, jusqu’à un comptoir au cœur de la jungle, un agent malade, l’environnement colonial, atrocités et crimes. (Wikipédia, Au cœur des ténèbres)

 « Un matin de septembre 1890, un géomètre belge, mandaté par son Roi [Léopold II] pour démanteler l’Afrique, quitte Léopoldville vers le nord. […] Pierre Claes a pour mission de matérialiser, à même les terres sauvages, le tracé exact de ce que l’Europe nomme alors le progrès. À bord du Fleur de Bruges, glissant sur le fleuve Congo, l’accompagnent des travailleurs bantous et Xi Xiao, un maître tatoueur chinois, bourreau spécialisé dans l’art de la découpe humaine [le lingchi, l’art de dépouiller lentement une personne de ses organes, tout en conservant sa vie et sa conscience]. Celui-ci décèle l’avenir en toute chose : Xi Xiao sait quelle œuvre d’abomination est la colonisation [dix millions de Congolais auraient disparu entre 1880 et 1930], et il sait qu’il aimera le géomètre d’amour. Ténèbre est l’histoire d’une mutilation. » (3e de couverture)

Né le 12 novembre 1986 à Besançon, Paul Kawczak vit au Québec depuis 2011. Ténèbre est son premier roman, qui témoigne d’une maîtrise peu commune de la noirceur humaine, du passé colonial européen, de la géographie (de nombreux chapitres ont pour décor Paris, Bruxelles et Bruges), ainsi que de l’histoire littéraire (un Baudelaire mourant et un Verlaine inattendu…).

« […] notre monde, notre unique bien, notre unique source d’amour, de rêve et de puissance, ne saurait désormais trouver de vérité que dans la destruction… J’ai appris toutefois que cette destruction ne peut être celle du monde, mais qu’elle sera la nôtre… Notre délitement devient le monde, il l’est… Ainsi en est-il également de notre souffrance, et de celle de toutes et tous qui meurent aujourd’hui dans cet enfer, de celle de toutes et tous qui y vivent… Rien ne reste en cette saison et le bonheur s’est envolé… » (p. 214-215)

« Dans cet Enfer de ténèbre, il redescendrait ainsi, naïf et pur, ayant délaissé sa vieille peau dans une vie passée, déterminé à retourner à la terre, cette terre africaine qu’il avait voulu trancher. » (p. 248)

MISE EN GARDE : L’utilisation fréquente du mot commençant en N… pourrait heurter certaines sensibilités...

9/10 Congo, Joseph Conrad, Colonialisme, Belgique, Charles Baudelaire, Paul Verlaine, Négritude