mercredi 29 décembre 2021

LE BOURREAU DE GAUDÍ / Aro Sáinz de la Maya

                                                                                                           
Le Bourreau de Gaudí, Arles, Actes Sud, coll. « Actes noirs », [2012] 2014, 669 p. Traduit de l'espagnol par Serge Mestre : El asesino de La Pedrera. Prix international RBA du roman noir.

Antoni Gaudí i Cornet (1852-1926), célèbre architecte catalan, a changé à tout jamais la figure architecturale de Barcelone. L'UNESCO a inscrit sept de ses oeuvres au patrimoine mondial de l'humanité : le parc Güell, le palais Güell, la Casa Milà (La Pedrera), la Casa Vicens, la façade de la Nativité et la crypte de la Sagrada Familia, la Casa Batllò et la crypte de la Colonia Güell (Wikipédia - voir les photos).

Le décor est planté. Décor hallucinant, ésotérique, aux symboles maçonniques, dans une ville moderne et archaïque, où travaux routiers, constructions de complexes hôteliers, d'immeubles à bureaux, de centres commerciaux s'accompagnent de destructions d'immeubles anciens, d'humbles maisons, de places paysagères. Rien de nouveau sous un ciel accablant de chaleur et d'humidité, aux parfums frelatés de corruptions à tous les niveaux : gouvernemental, municipal, policier, médiatique.

Ce premier roman noir de Sánz de la Maya (aussi éditeur et correcteur) ne saurait être complet sans un inspecteur aussi déjanté et original que Gaudí. Camilo Malart, familièrement appelé Milo, colérique, franc-parleur armé d'un humour décapant, addict de la bouteille, ne touche plus à l'alcool, craignant d'être victime des gènes paternels de l'alcoolisme et de la schizophrénie. Réfractaire à l'autorité, révoqué par mesure disciplinaire, il a le talent exceptionnel de pouvoir se glisser dans la tête des criminels et de résoudre les énigmes les plus tordues, tout en étant lui-même assailli par ses propres démons familiaux et amoureux.

 Accompagné par la sous-inspectrice Rebeca Mercader et du sergent Toni Crespo, il parcourra la ville dans tous les sens, à la recherche du coupable de la mort atroce de hautes personnalités financières et politiques de l'oligarchie barcelonaise, nous offrant par la même occasion le plaisir d'une visite guidée des quartiers, des rues et des places de Barcelone, ainsi que de ses principaux monuments, créés par Gaudí.

Tout est imbriqué dans ce roman : philosophie, psychologie, sociologie, urbanisme, architecture, sans oublier l'essentiel, une intrigue démoniaque menée comme une véritable chasse au trésor, lentement, d'un indice à l'autre. Ce qui m'a particulièrement plu, c'est de pouvoir entrer dans la tête de l'inspecteur et de suivre les multiples méandres et déductions qui le conduiront à découvrir la vérité.

 « [...] Vos problèmes envers l'autorité sont évidents. Vous êtes réticent et méfiant, rebelle. Vous voulez contrôler les conversations et votre attitude hostile et sceptique, avec une pointe d'humour burlesque, indique la possibilité d'un trouble d'opposition avec provocation. » (p. 193)

 Mon premier contact avec Milo s'est fait, en réalité, avec le troisième roman de l'auteur, Docile (Actes Sud, 2021), où l'on retrouve les principaux personnages, ainsi que Barcelone. Même si l'intrigue est aussi prenante et que ce roman peut se lire sans avoir lu les deux précédents (le deuxième s'intitule les Muselés), il y a de nombreuses allusions et références à des événements passés qui demeurent difficiles à comprendre. Aussi, est-il préférable de les lire dans l'ordre chronologique de publication.

Une lecture haletante et pleine de rebondissements, et (en ce qui me concerne) la découverte livresque de l'une des plus belles villes du monde et des créations de Gaudí.












9,5/10 "Les Muselés", Docile, "Roman noir", Polar, Barcelone, "Roman policier catalan", "Antoni Gaudí"