mardi 21 mars 2023

ÉPISODE 3 : LA MAISON DES ÉCRIVAINS (2e document d'accompagnement)

LETTRE AU MINISTRE DE LA CULTURE ET DES COMMUNICATIONS DU QUÉBEC

Montréal, le 9 janvier 2023                                      PAR COURRIER RECOMMANDÉ

Monsieur Mathieu Lacombe

Ministre de la Culture et des Communications du Québec

Édifice Guy-Frégault

225, Grande Allée Est, bloc A

1er étage

Québec (Québec) G1R 5G5

 

Monsieur le Ministre,

Écrivaines et écrivains, nous voulons vous faire part d’une situation alarmante, pour laquelle nous sollicitons votre intervention.

Le 20 juin dernier, l’UNEQ tenait son assemblée générale annuelle, au cours de laquelle a été entériné, par 44 des 46 personnes présentes (sur 1 600 membres), le prélèvement de cotisations syndicales sur les redditions de compte de tous les contrats en cours d’exécution, des membres comme des non-membres. Dans le Plan d’action de l’Union 2023-2027, dévoilé le 15 décembre dernier, figurait aussi la mise en vente de la Maison des écrivains, décision adoptée par le conseil d’administration en septembre 2022, et ce sans aucune consultation des membres.

L’UNEQ a récemment admis un vice de procédure dans la convocation de l’assemblée générale de juin, ce qui l’a obligée à convoquer une assemblée extraordinaire pour discuter démocratiquement de l’enjeu des cotisations syndicales. Mais en ce qui concerne le sort de la Maison des écrivains, silence radio...

La Maison des écrivains est davantage qu’un simple siège social. Ce lieu porte une longue histoire : celle des écrivains qui se sont regroupés pour fonder l’UNEQ, en 1977, pour qui l’acquisition d’une maison ouverte à tous était un objectif primordial. Pendant treize ans, l’UNEQ a été activement à la recherche d’une propriété. En 1990, elle est enfin devenue propriétaire du 3492, avenue Laval, à Montréal. Après deux années de travaux de rénovation et d’aménagement, subventionnés par des fonds publics, la Maison des écrivains a été inaugurée en 1992, conjuguant les efforts des écrivains et des employés pour assurer la double mission de l’UNEQ : la promotion de la littérature québécoise et la défense des droits socio-économiques des écrivains. La vente de cette maison, décidée par le c.a. de l’UNEQ, serait une perte dramatique pour tous les amateurs de la littérature québécoise qui ont pu assister aux spectacles qui y avaient lieu, aux conférences, aux tables rondes, aux lectures d’œuvres, aux lancements, aux productions du Festival international de la littérature (FIL), etc.

Son emplacement au Square Saint-Louis fait aussi partie de l’histoire culturelle du Québec. Elle avoisine les demeures d’écrivains et d’artistes célèbres tels Émile Nelligan, Michel Tremblay, Pauline Julien et Gérald Godin, Gaston Miron, Gilles Carle et Chloé Sainte-Marie, Francis Mankiewicz et André Gagnon, pour ne nommer qu’eux. Au moment où votre gouvernement choisit de transformer l’ancienne Bibliothèque Saint-Sulpice en Maison de la chanson et de la musique, il nous paraît incompréhensible que l’UNEQ choisisse, elle, de solder une maison qui donne un visage à la littérature du Québec.

La raison invoquée par l’Union pour vendre la Maison des écrivains nous laisse également perplexes. Ce serait, nous dit-elle, pour assurer sa stabilité financière. Cependant, les administrateurs n’ont jamais démontré, chiffres à l’appui, les avantages d’une telle vente ni même sa nécessité, puisque l’UNEQ dispose déjà de plus d’un million de dollars en placements dont elle pourrait se prévaloir en cas de besoin. Par ailleurs, depuis la hausse des taux hypothécaires et l’augmentation des taxes municipales, le marché immobilier est sous pression. Certains évaluateurs estiment même que les propriétés vont se vendre à un prix inférieur à l’évaluation municipale. Après avoir signé un bail pour l’occupation de ses nouveaux locaux, le 1er février 2023, l’UNEQ se sentira-t-elle pressée de céder la Maison à un prix désavantageux, plutôt que d’avoir à défrayer, en plus d’un loyer, les coûts d’une maison inoccupée et dont l’exemption de taxes sera retirée dès que le personnel aura quitté les lieux ? C’est la question que nous nous posons avec inquiétude, d’autant plus que nous ne comprenons pas ce qui peut motiver un départ aussi précipité.

Nous ne voyons pas non plus comment l’UNEQ pourra remplir son mandat de valorisation de la littérature québécoise dans des locaux qu’elle devra partager avec deux autres syndicats, l’Union des artistes (UDA) et la Guilde des musiciens. D’ailleurs, son Plan d’action précise qu’elle compte « concentrer ses moyens et ses ressources sur le mandat syndical » et « réviser l’offre de services aux membres pour déterminer ceux qui doivent être maintenus, ajoutés ou modifiés », en « concentrant les projets, services et programmes de l’UNEQ autour des finalités du plan stratégique ».

Il s’agit d’un changement radical, philosophique et culturel, sans consultation des membres. Qu’adviendra-t-il des subventions que l’UNEQ reçoit des trois conseils des arts et de votre ministère, si elle met l’accent sur ses activités syndicales ? Comment assurera-t-elle cette stabilité financière qu’elle dit rechercher et qui l’amène à vendre une Maison qui fait la fierté des écrivains depuis si longtemps ?

Jacques Godbout, président fondateur de l’UNEQ, a réagi en ces termes, que nous endossons :

« Les écrivains qui ont fondé l’UNEQ voulaient à la fois faire la promotion de la littérature québécoise et agir pour assainir les relations avec les éditeurs littéraires. La Maison des écrivains permettait de recevoir des auteurs étrangers de passage et d’offrir un lieu de rassemblement aux membres.

Il n’y a aucune commune mesure entre le rôle social de la Guilde des musiciens, ou de l’Union des artistes, et celui des écrivains réunis à l’UNEQ. Je ne peux concevoir que la direction de l’UNEQ veuille transformer une institution de caractère culturel en un organisme de revendications d’abord économiques.

Vendre la Maison des écrivains, c’est vendre son âme. »

Monsieur le Ministre, nous vous demandons de convoquer d’urgence les dirigeants de l’UNEQ pour dénouer cette impasse qui suscite parmi ses membres une dissension nuisible à l’application de la récente Loi sur le statut de l’artiste, malgré les nouveaux pouvoirs qu’elle lui confère. Cette situation aura aussi d’énormes répercussions sur les finances de l’UNEQ et sur sa capacité à mener à bien son double mandat littéraire et syndical.

Nous demeurons à votre entière disposition pour toute information ou demande de rencontre

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de nos salutations les plus distinguées.

 Signataires (54) :

ÉCRIVAINES ET ÉCRIVAINS, MEMBRES D’HONNEUR DE L’UNEQ :

Joséphine Bacon (10-01-2023)

Nicole Brossard, membre fondatrice,

André Gervais

Jacques Godbout, président fondateur

Monique LaRue

André Major, membre fondateur

Pierre Morency, membre fondateur

Fernand Ouellette

Michel Tremblay

Anthony Phelps

Gilles Vigneault

ANCIENNES PRÉSIDENTES ET ANCIENS PRÉSIDENTS DE L’UNEQ :

Denise Boucher, de 1998 à 2000, membre de l’UNEQ

Louis Gauthier, de 1996 à 1998, membre de l’UNEQ

Denis Monière, de 1980 à 1982

Stanley Péan, de 2004 à 2010, membre de l’UNEQ

Danièle Simpson, de 2010 à 2016, membre de l’UNEQ

ÉCRIVAINES ET ÉCRIVAINS DE L’ACADÉMIE DES LETTRES DU QUÉBEC

Jean-Paul Daoust, membre de l’UNEQ

Denise Desautels, Prix Athanase-David 2009, membre de l’UNEQ

Joël Des Rosiers, membre de l’UNEQ

Danielle Fournier, vice-présidente

Gérald Gaudet, président

Lise Gauvin, Prix Georges-Émile Lapalme 2022, membre de l’UNEQ

Laurier Lacroix, membre de l’UNEQ

Émile Martel, membre de l’UNEQ

Diane Régimbald, secrétaire générale, membre de l’UNEQ

France Théoret, membre de l’UNEQ

ÉCRIVAINES ET ÉCRIVAINS

Paule Baillargeon

Claudine Bertrand, membre de l’UNEQ

Nane Couzier, membre de l’UNEQ

Carole David

Pierre Demers, membre de l’UNEQ

André Ducharme, membre de l’UNEQ

Mylène Gilbert-Dumas

François Jobin, membre de l’UNEQ

Michaël La Chance

Steve Laflamme, membre de l’UNEQ

Christiane Laforge, membre de l’UNEQ

Christiane Lahaie, membre de l’UNEQ

Yann Martel, membre de l’UNEQ

Sylvain Meunier, membre de l’UNEQ

France Mongeau, membre de l’UNEQ

Sophie-Luce Morin, membre de l’UNEQ

Émeline Pierre, membre de l’UNEQ

Louise Portal, membre de l’UNEQ

Bernard Pozier, membre de l’UNEQ

Yvon Rivard, membre de l’UNEQ

André Roy, membre de l’UNEQ

Pierre Samson

Dany Tremblay, membre de l’UNEQ

Élisabeth Tremblay, membre de l’UNEQ

Marie-Paule Villeneuve, membre de l’UNEQ

Mathieu Villeneuve, membre de l’UNEQ

Pauline Vincent

Élisabeth Vonarburg, membre de l’UNEQ

 

Pierre Lavoie, directeur général de l’UNEQ, de 1993 à 2010